De la souveraineté culturelle

Assemblée nationale

Encadrement législatif sur la découvrabilité des contenus culturels francophones

Le 8 juillet dernier, Synapse C a déposé un mémoire à la suite du lancement par le ministère de la Culture et des Communications du Québec d’une consultation sur l’élaboration d’un cadre législatif sur l’accès et la découvrabilité de contenus culturels francophones. Cette consultation fait suite au rapport du comité-conseil sur la découvrabilité des contenus culturels en ligne, publié en janvier 2024.  

Nos réflexions et recommandations ont été guidées par notre vision d’ensemble du secteur et notre vision d’un écosystème québécois des arts et de la culture fort et résilient dans le contexte numérique. 

Nous nous sommes coordonnés autant que possible avec certains de nos partenaires, en appuyant d’autres mémoires, en renforçant les constats partagés tout en apportant des éléments complémentaires au vu de notre rôle transsectoriel et neutre dans la chaine de valeur.

Objectifs

Dans ce mémoire, nous définissons d’abord les objectifs qui devraient être poursuivis par le potentiel cadre légal : favoriser une découverte et une consommation des œuvres « locales » partout dans le monde et en particulier par les citoyens et des citoyennes du Québec pour assurer une vitalité culturelle québécoise et francophone.

Le cadre légal devra être simple, accessible, flexible et évolutif avec les changements technologiques et il devra aussi concerner le secteur culturel dans son entièreté. Les expressions et manifestations présentielles/physiques sont également à inclure dans la mesure où la découverte de leur offre se fait en partie sur les espaces numériques. Les contenus d’expression originale de langue française, mais également de langues autochtones ou d’autres langues produites au Québec seraient aussi à inclure dans une perspective de diversité des expressions culturelles.

Finalement, ce cadre légal devrait s’appliquer à toute entreprise intermédiaire qui utilise des œuvres « locales » dans son modèle d’affaires envers un marché d’usagers et usagères. Si les efforts de mise en marché et promotion demeurent la responsabilité des créateurs et créatrices et des acteurs et actrices des secteurs et industries culturelles, le cadre légal agit en complément en soutien face aux intermédiaires technologiques qui exploitent les œuvres et sont curateurs/médiateurs culturels par leur rôle d’intermédiaire non neutre.

Obligations

Synapse C considère que la mise en œuvre d’obligations en matière d’accès aux contenus culturels d’expression originale de langue française et de leur découvrabilité serait bienvenue et nécessaire. En effet, nous mettons de l’avant dans notre mémoire le déséquilibre de consommation de contenus locaux par rapport aux contenus extérieurs/internationaux, ainsi que le déséquilibre de la distribution des revenus sont des enjeux connus et documentés. Selon nos experts, une standardisation des données est nécessaire pour identifier du côté de l’industrie, et aider à repérer du côté de l’usager et de l’usagère, les œuvres locales qu’on voudrait mettre de l’avant.

Cela dit, il nous apparaît primordial qu’un accès aux données d’usage soit favorisé. C’est la pierre angulaire de la connaissance des comportements des usagers et usagères : elle permet un diagnostic et une lecture de la situation, ainsi que l’intelligence d’affaires pour favoriser la découvrabilité. Elle permet également de mesurer l’efficacité de ces actions en matière de compréhension fine. L’intelligence d’affaires permet également de se faire une idée par soi-même, sans le filtre des fournisseurs de services/données qui ne sont pas neutres technologiquement ou commercialement.

En ce qui concerne les renseignements personnels, les leviers de promotion et marketing numérique pour la découvrabilité constituent un cas d’usage spécifique qui nécessite la donnée au niveau du renseignement personnel. Cela vient ajouter une dimension légale et commerciale à la sensibilité des données, sans compter des obligations d’interopérabilité techniques et sémantiques pour permettre une réelle exploitation. À ce sujet, nous avons déjà mené plusieurs travaux, surtout dans le cadre de la loi 25.

Suivi de la mise en oeuvre

Le mémoire met de l’avant un cadre législatif qui serait transversal, impliquant au moins des compétences du ministère de la Culture et des Communications, le ministère de la Cybersécurité et du Numérique, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et le ministère de la Langue française au niveau provincial, sous la gouverne du ministère de la Culture en raison de sa capacité à collaborer avec d’autres ministères et de ses liens avec le milieu, et du gouvernement fédéral pour certains champs de compétence.

Cependant, nous soulignons la complexité des enjeux et les expertises nécessaires pour développer un cadre, le mettre en œuvre et le suivre. Mettre à profit la connaissance et les actions d’autres instances déjà existantes, des acteurs structurants, de la société civile et les impliquer semble donc essentiel.

Dans l’hypothèse où la structure responsable du suivi de la mise en œuvre serait le ministère de la Culture et des Communications, la mise en œuvre elle-même, qui requiert différents champs de compétences et d’actions, pourrait être déléguée en tout ou en partie à un consortium réunissant les acteurs pertinents et légitimes. Dans un tel cas, une coordination serait nécessaire.

Nous  sommes d’avis que les responsabilités doivent être partagées. Une concentration des pouvoirs ne permettrait pas le ruissellement de la pleine connaissance des usagers et des usagères aux acteurs et actrices de l’industrie et placerait le secteur dans un statu quo en matière de connaissance des publics et d’information stratégique pour organiser et mettre en œuvre les actions de découvrabilité.

Autres propositions ou commentaires

Synapse C appuie l’initiative de développer le cadre légal favorisant un droit à la découvrabilité. Le sujet est toutefois complexe et un terrain miné; il convient d’être prudent afin d’éviter les fausses bonnes idées (une définition étroite de la définition de « québécois » ou de « contenu ») ou des effets rebonds non désirés. Entre autres propositions, nous soutenons que le financement et le soutien à la création doivent rester fondamentaux, que la mise en œuvre du cadre doit être déployée par phases et cela, de façon flexible et adaptable et que les décisions doivent venir avec des moyens pour les acteurs et actrices culturels d’y répondre ou qu’elles limitent le transfert de responsabilité ou la délégation des obligations des acteurs et des actrices technologiques envers les acteurs et les actrices culturels.

Remerciements

Synapse C remercie toutes les personnes et organismes qui ont contribué à l’élaboration de son mémoire, enrichissant notre réflexion sur la découvrabilité des contenus culturels québécois et francophones. Notamment, nous avons pu échanger expériences et perspectives avec l’ADISQ, BAnQ, Culture Montréal, Data-Coop Culture, Médiafilm, La Vitrine et le Réseau des ADN.

Un merci particulier à Viêt Cao, qui a officié à la rédaction et la coordination des échanges avec les partenaires.