Entre faisabilité terrain et rigueur analytique
Dans les milieux culturels, événementiels et touristiques, la collecte de données est souvent perçue comme un défi technique ou administratif. Pourtant, cette étape est l’un des points névralgiques d’un projet d’analyse: elle influence non seulement la qualité des résultats, mais aussi la capacité de l’organisation à se doter d’une réelle culture de la donnée.
Ce qu’on peut collecter n’est pas toujours ce qu’on devrait
Un centre d’interprétation collecte le code postal des visiteurs à l’entrée, un festival demande l’âge sur son formulaire d’inscription, un musée recueille des réponses à un sondage de satisfaction, un lieu de diffusion note manuellement l’achalandage quotidien.
Mais bien souvent, ces données ont été récoltées sans réelle stratégie d’usage en aval. On les conserve, au cas où, sans savoir ce qu’elles pourraient permettre de mieux comprendre: le cycle de fréquentation, l’impact des médiations, la portée d’un partenariat, le profil des publics saisonniers…
Et pendant ce temps, les informations les plus riches (sur les comportements, les besoins, les attentes, les freins) ne sont tout simplement pas collectées, faute de temps, d’outils, ou d’une structure organisationnelle qui les valorise.
L’illusion de la donnée parfaite
Dans le secteur culturel et touristique, les données sont souvent éparpillées: billetterie, CRM, feuilles Excel, inscriptions en ligne, formulaires imprimés, réseaux sociaux… Il existe rarement un système centralisé.
Cela peut créer un sentiment d’incomplétude frustrant. Pourtant, viser l’exhaustivité est rarement réaliste, ni nécessaire. Ce qu’il faut viser, c’est la cohérence entre la donnée collectée et la question posée, tout en assumant les angles morts.
Une base partielle, mais bien documentée, permet souvent une analyse plus solide qu’une base “grosse mais floue”. D’où l’importance de connaître les limites de ses données; Quelles périodes sont couvertes? Quelles catégories de public sont sous-représentées? Les formats sont-ils comparables d’une année à l’autre?
Collecter dans une logique éthique et opérationnelle
L’étape de collecte est aussi celle où émergent de nombreux enjeux de gouvernance: qui décide de ce qu’on collecte? Selon quels critères? Qui y a accès? Pour quoi faire?
Dans des organisations où le personnel change fréquemment, où les outils numériques sont hétérogènes et où les publics sont diversifiés (locaux, touristes, abonnés, curieux d’un jour), la collecte doit être à la fois souple, transparente et respectueuse.
L’adoption de la Loi 25 a rappelé l’importance de collecter de façon intentionnelle, sécuritaire, et proportionnée. Mais au-delà des obligations légales, la collecte peut aussi être une occasion de renforcer la relation avec les publics: en expliquant pourquoi certaines données sont demandées, en intégrant des pratiques inclusives, en impliquant les équipes de première ligne dans les processus.
Une collecte qui fait sens… pour tout le monde
Ce qui freine souvent la qualité des données, ce n’est pas la technologie. C’est le fait que les personnes qui collectent les données (médiateurs, personnel d’accueil, bénévoles, techniciens) ne savent pas à quoi elles serviront.
Lorsqu’on prend le temps d’expliquer les objectifs (comprendre les profils de visite, tester l’impact d’une médiation, améliorer l’accès à un parcours) la collecte devient un geste porteur de sens, et non une obligation de plus.
Conclusion
Dans les milieux culturels, touristiques et événementiels, collecter des données, ce n’est pas “remplir des cases”. C’est poser un geste intentionnel, situé, qui prépare le terrain de l’analyse.
Une bonne collecte ne se mesure pas à la quantité de fichiers générés, mais à la pertinence des données obtenues et à leur capacité à éclairer les décisions concrètes.
Plutôt que de viser la perfection technique, il faut viser la pertinence stratégique, l’éthique relationnelle, et la clarté organisationnelle.
